Démence, un terme tabou?
par Ghislaine Bourque

Plusieurs personnes ont beaucoup de difficulté avec le terme démence*. Elles n’osent pas prononcer ce mot, probablement péjoratif à leurs yeux. Or, il n’y a rien de dégradant ou de honteux dans le fait d’admettre que la démence est simplement un déclin de la mémoire ou d’autres aptitudes cognitives assez grave pour réduire la capacité d’une personne à exécuter les activités quotidiennes.
Pourquoi serait-on plus inconfortable de parler de démence que de diabète, de cancer, d’infarctus, etc.?
Des proches aidants m’écrivent pour me parler de leur être cher atteint d’Alzheimer. Plusieurs prennent soin de me préciser que leur proche fait de l’Alzheimer, mais pas de démence. Or, l’Alzheimer est la forme la plus fréquente de démence. Il n’y a rien à cacher si l’un des vôtres souffre de déclin cognitif. Cet endommagement des cellules du cerveau qui entraîne des effets désastreux chez la personne atteinte et qui rend l’aidant impuissant, triste, désemparé est loin d’être une maladie honteuse. Elle est horrible, mais non déshonorante...
Je tiens à apporter cette précision, car plusieurs personnes, en plus de vivre l’atroce descente aux enfers d’un des leurs, essaient de cacher la démence par peur de jugement ou par pudeur. Chers proches aidants, vous avez assez d’émotions à gérer en accompagnant une personne atteinte d'un trouble neurocognitif, sans porter en plus la honte, ce qui n’a pas du tout lieu d’être.
Durant sept ans, j'ai moi-même accompagné ma mère qui souffrait de la démence à corps de Lewy, alors soyez assurés que vous avez toute ma compassion.
*Démence : Il s’agit d’une dégénérescence cérébrale qui entraîne des changements dans la capacité d’une personne de penser, de parler, de socialiser et de vaquer à ses occupations quotidiennes. Elle est aussi appelée trouble neurocognitif majeur (TNM). Ces pertes réduisent la capacité d’une personne à s’occuper d’elle-même de façon autonome.
La maladie d’Alzheimer est la cause la plus courante de démence. Les maladies vasculaires, la dégénérescence fronto-temporale et la maladie à corps de Lewy sont d’autres formes de démence répandues.
Source: Gouvernement du Canada - Blogue de données - La démence au Canada, y compris la maladie d'Alzheimer
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Je spécifie aussi ce qu'est la démence dans mon livre.
Je vous en partage un extrait.
AVANT-PROPOS de mon livre Et si perdre la tête rapprochait les cœurs... p. 11 à 13
L’Alzheimer et les maladies apparentées se caractérisent par la destruction graduelle des cellules nerveuses du cerveau. Cette détérioration des neurones a un impact sur la mémoire, le langage, la concentration, l’exécution de mouvements simples ou séquentiels, le jugement, l’orientation, le comportement et l’humeur. Les troubles cognitifs s’aggravent au fur et à mesure de la dégénérescence des cellules nerveuses et ils ne font pas partie du processus normal du vieillissement.
Le comportement inadapté des personnes atteintes est bien au-delà de leur contrôle et de leur volonté.
Le terme démence sera souvent mentionné dans cet ouvrage. « Nous confondons parfois, à tort, démence et folie ou maladie psychiatrique. Il convient de les distinguer. La démence sous-entend une atteinte organique, cérébrale, soit d’origine dégénérative (des zones de notre cerveau meurent sans que l’on connaisse précisément ce qui a déclenché le processus […]); soit d’origine vasculaire (interruptions à répétition de la circulation sanguine dans un ou plusieurs vaisseaux, touchant progressivement toutes les zones cérébrales); soit encore d’origine mixte (dégénérative et vasculaire). Ce n’est pas le cas des maladies d’origine psychiatrique[1]… » reliées au dérèglement mental et aux troubles psychiques.
«Outre la maladie d’Alzheimer, il existe plusieurs autres maladies apparentées : les maladies vasculaires (dues à un accident vasculaire cérébral), la maladie à corps de Lewy, les traumatismes crâniens, la dégénérescence fronto-temporale, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, la maladie de Parkinson et la maladie de Huntington. Ces affections peuvent présenter des symptômes similaires ou qui se chevauchent[2].»
Ma mère a vécu les sept dernières années de sa vie avec la maladie à corps de Lewy, qui emprunte certains symptômes à l’Alzheimer et au Parkinson.
Cette maladie, aussi appelée «démence à corps de Lewy», est une forme de trouble cognitif caractérisé par des dépôts anormaux d’une protéine qui se forment à l’intérieur des cellules nerveuses du cerveau. Ces dépôts sont appelés «corps de Lewy», d’après le nom du scientifique qui a été le premier à les décrire. Ils interrompent les messages transmis par le cerveau.
Ce déficit cognitif affecte surtout les parties du cerveau liées aux facultés mentales et au mouvement. Le processus qui mène à la formation des corps de Lewy est inconnu. La maladie progresse par paliers et son évolution est habituellement plus rapide que celle de l’Alzheimer.
Pour les personnes atteintes d’une maladie neurodégénérative comme pour leurs proches, il est souvent difficile de composer avec cette dure réalité où l’inconnu est omniprésent. Il s’agit d’un vrai défi dans lequel les deuils ne finissent plus de finir!
Lorsqu’on réussit à bien s’outiller pour comprendre ce qui se cache derrière les comportements perturbateurs et le langage incohérent, on peut maintenir un lien adapté et satisfaisant avec un proche atteint de troubles neurocognitifs; le quotidien peut se vivre plus sereinement, et on peut même retirer une manne bienfaisante de cette relation modifiée avec la personne malade.
Dans cet ouvrage, il est mention de la démence à corps de Lewy. Toutefois, les troubles cognitifs, les comportements et les types d’interventions décrits dans ces faits vécus peuvent tout aussi bien s’appliquer à l’Alzheimer ou à une autre maladie apparentée.
[1] Thierry ROUSSEAU, Communiquer avec un proche Alzheimer, 2013, p. 28.
[2] En quoi consistent l’Alzheimer et maladies apparentées, 2018, [En ligne], http://www.alzheimer.ca/fr/About-dementia/What-is-dementia